Fraude au SIV : un auto-entrepreneur inculpé témoigne

Depuis quelques années, de nombreux professionnels de la carte grise ont été liés à des opérations d’immatriculation frauduleuses. S’il y a clairement des acteurs malfaisants, ce n’est qu’une partie du problème. Un auto-entrepreneur a expliqué à France Télévision les faiblesses du système, et comment il s’est retrouvé lié à des immatriculations concernant des véhicules volés.

Une opportunité pour les fraudeurs

Le système d’immatriculation des véhicules (SIV), mis en place en 2009, a été conçu pour simplifier les démarches administratives. Mais aussi pour réduire les coûts pour l’État. En confiant la gestion des immatriculations à des professionnels privés, comme les garagistes ou les autoentrepreneurs, l’objectif était de moderniser le processus. Cependant, cette privatisation a ouvert la porte à des abus massifs. Les failles du système sont devenues une aubaine pour les fraudeurs.

L’autoentrepreneur interviewé par France 2, aujourd’hui mis en examen, illustre bien les dérives de ce système. Installé dans un petit atelier, il a commencé à utiliser le SIV pour compléter ses revenus en établissant des cartes grises. Tout semblait légal jusqu’à ce qu’une société parisienne lui demande d’immatriculer une soixantaine de camping-cars VASP. Ce qu’il ignorait, selon ses dires, c’est que ces véhicules étaient volés. « Je n’avais pas les moyens de vérifier l’identité des clients ou la légitimité des documents fournis. Tout semblait en règle, l’entreprise était enregistrée à l’Insee, » explique-t-il, visiblement amer.

Fraude au SIV : un système défaillant et des responsabilités partagées

L’autoentrepreneur pointe également du doigt les CERT, qu’il accuse de ne pas avoir joué leur rôle de contrôle. « Ils m’ont laissé m’enfoncer. Personne ne m’a prévenu qu’il y avait un problème avec les dossiers. Pour moi, tout était bon, » déclare-t-il. Ce sentiment d’abandon est partagé par de nombreux professionnels. Ils se retrouvent parfois impliqués dans des affaires de fraude à leur insu.

Les experts en fraude, comme l’adjudant-chef Yoann, confirment que le SIV est loin d’être infaillible. Il a recensé 29 types de fraudes, allant de l’usurpation d’identité à la revente de véhicules volés. Les failles du système sont en effet nombreuses. « Le fichier est fraudé en insérant des informations fausses, ce qui permet aux délinquants de contourner les contrôles, » explique-t-il. Ces failles, combinées à un manque de vigilance de certains professionnels, créent un terrain fertile pour les escroqueries.

Une réforme coûteuse et des retards inquiétants

Face à l’ampleur du problème, l’État a tenté de réagir. La Sécurité routière a exclu 15.000 sociétés du SIV et lancé une refonte complète du logiciel, baptisé SIV2. Ce projet, confié à des entreprises privées, représente un investissement colossal de près de 100 millions d’euros. Pourtant, son déploiement, initialement prévu pour 2026, accuse déjà un retard d’un an.

Pour Michèle André, ancienne sénatrice, ces problèmes trouvent leur origine dans les choix budgétaires faits lors de la création du SIV. « L’État a voulu faire des économies en supprimant des postes dans les préfectures, mais il a négligé les risques de fraude, » déplore-t-elle. Selon elle, le manque de contrôle et la délégation à des acteurs privés ont permis aux fraudeurs de prospérer.

Une lutte encore loin d’être gagnée

Avec 250.000 véhicules qui ont une immatriculation douteuse chaque année, la fraude au SIV reste un défi majeur pour les autorités. Si des efforts ont été faits pour renforcer les contrôles, les professionnels comme cet autoentrepreneur estiment que le système reste trop vulnérable. « On nous donne des responsabilités sans les outils nécessaires pour les assumer, » conclut-il.

En attendant la mise en place du SIV2, les forces de l’ordre et les professionnels doivent composer avec un système imparfait. Les erreurs humaines et les failles de conception continuent de faire le jeu des fraudeurs.